La bataille de Negapatam s'est terminée grosso modo par un match nul avec un léger avantage pour les Français malgré des pertes plus élevées. Ils étaient restés maitres des lieux. Mais divers incidents ou manquements dans l'action ont laissés des traces et ce n'était pas la première fois que la fronde de certains officiers envers leur amiral s'était manifestée. Suffren va régler ses comptes.
Revenons un peu en arrière. Suffren à bord du Héros, aidé du Vengeur arrive juste à temps pour dégager le Brillant qui, tres endommagé, amputé de son grand mat, dérive sous le feu anglais. Le Sévère est aux prises avec le Burford et le Sultan. Le Burford est lui aussi sérieusement atteint par les bordées du 64 français. Avant la saute de vent, le navire anglais à masqué le Sévère ,le privant de manœuvres ,ses voiles étant plaquées contre les mats. Obligé de se retirer , il voit arriver trois vaisseaux ( deux de 74 et un de 64 ) qui pratiquèrent un redoutable tir croisé.
Devant un tel ouragan, perdant son sang froid, le commandant français, un certain Cillard ordonne d'amener le pavillon ,signifiant ainsi qu'il se rendait. C'était sans compter sur le courage de ses subordonnés. Dans un premier temps, Mr de Gennes, lieutenant auxiliaire refuse de se rendre." On tiendra jusqu'à ce que l'on crève" avait il répondu à son supérieur ,il s'abat la jambe arrachée et appelle un officier du nom de La Salle, commandant l'artillerie des gaillard, pour le remplacer .La Salle tombe à son tour. Cillard réitère son ordre. Deus soldats du régiments de bourbon refusent également d'exécuter l'ordre . Le Sévère continue son feu contre ses trois adversaires. Finalement ,un marin abaisse le pavillon sur ordre de son commandant. Celui-ci monte sur la dunette ,et selon les usages du temps hèle le Sultan en tenant son tricorne a bout de bras et le baisse trois fois ( signe de reddition ).
Le Sultan cesse le feu aussitôt et met à l'eau une embarcation de prise. Des cris et des huées d'indignation fusent des batteries du Sévère. C'est alors que deux officiers bleus ( d'origine non noble),lieutenant de brulot, commandants des batteries basses , MM Dieu et Rosbo sont tellement indignés et furieux qu'ils interviennent et enferment leur commandant dans sa cabine. Du jamais vu dans la marine ! Avant de regagner leurs postes, les couleurs ont à nouveau hissées et le Sultan à la surprise de recevoir un terrible tir d'enfilade qui lui ravage sa poupe et son flanc et l'oblige à s'éloigner.
Le maitre d' équipage du Sévère à ce trait d'esprit: " Cillard a voulu donner le vaisseau à l'ennemi, mais Dieu ( un nom prédestiné ) ,n'a pas voulu."
A bord du Héros , Suffren voit effectivement que le pavillon royal a un instant disparu, mais suppose qu'il a été emporté par un boulet .D'ailleurs, le pavillon royal flotte nouveau à la poupe du Sévère qui reprend sa place au combat.
Apres la bataille , un parlementaire anglais se présente à Suffren en réclamant dans un premier temps l' Ajax, mais celui-ci est rapidement mis hors de cause suite à l'étude des rapports de combats, c'est le Sévère qui est sur la sellette .Apres avoir entendu froidement James Watt ( l'officier anglais ),Suffren le fit courtoisement mais ferment reconduire à son bord .
Alors , la colère de Suffren ne connu plus de bornes, des tètes allaient tomber, les sanctions pleuvoir.
Pendant ce temps, les deux escadres durement éprouvées ,réparent pour s'affronter à nouveau.
A Gondelour ou son escadre panse ses plaies ,Suffren va régler ses comptes et ça va faire mal.
Fait unique, les sanctions et les grâces ( promotions ou décorations ) proposées par Suffren seront approuvées par le Roi et le ministre de la Marine. Apres enquête, Suffren entre en action . Bide de Maurville ( commandant de l' Artésien ), Forbin- Janson ( commandant du Vengeur) et Bouvet de Précourt sont démis de leurs fonctions . Il ne s'étaient pas mis dans la ligne de bataille . Ils seront renvoyés en France. Maurville et Forbin seront emprisonnés un an à l'ile de Ré ,puis à Pont St Esprit et rayés des cadres. Bouvet ( commandant de l' Ajax) ,vu son âge et sa santé défaillante n'est plus apte à commander et , selon le langage moderne se voit confier à une retraite anticipée. Il n'aura pas le temps d'en profiter car il mourra trois jours plus tard . En quittant son navire Bouvet y laisse son fils qui s'illustrera plus tard sous l'empire à la bataille de Grand Port et deviendra vice amiral.
Quand au fameux Cillard, il fut lui aussi démis de son commandement, renvoyé en France ,mais trouva l'occasion de s'évader des son arrivée à l ' Ile de France. Jugé à huit clos et par contumace le 25 juillet 1784 à Versailles, il sera lui aussi rayé des cadres de la Marine.
Et Tromelin ? Tres curieusement, il passa pour l'instant à travers les mailles du filet. Son compte fut réglé plus tard,discrètement , mais toujours dans ce jugement du 25 juillet 1784. Il fut chassé de la Marine. Pour Dieu et Rosbo qui avaient fait preuve d'insubordination, Castries avait demandé qu'ils soient eux aussi rayés des cadres . Mais vu les circonstances, il leur accordera un satisfecit pour leur courage . Suffren demandera que leur soit conservé leur brevet de capitaine de brulot. Divers officiers s'étant particulièrement distingués obtinrent pensions, décorations et commandement .
L'encadrement rajeuni et rénové, Suffren s'employa à mettre tous les moyens pour prendre sa revanche.
Dernière édition par michaud le Mar 30 Oct 2018 - 10:13, édité 1 fois